un drame musical instantané

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Voilà plus de vingt ans maintenant qu’un drame musical instantané travaille à transgresser joyeusement les frontières entre l’art et la vie... musique, théâtre, cinéma, littérature, aujourd’hui multimédia : autant de domaines investis, traversés, pillés, revivifiés par la grâce d’agencements inédits. un projet ambitieux pour un champ d’action illimité. une formation atypique, marginale par nature : la marge, n’est-ce pas ce qui relie ?

Un Drame- la vie (en (un) acte)/la fiction. L’Histoire. Le théâtre, sa machinerie, l’illusion (comique, baroque). La mise en scène du son. Le cinéma, son découpage (rythmique, moral), sa légèreté, son impureté esthétique, mélange des genres, des tons, des temps. Des films sans image. 24 non-images/seconde - du rêve qui éveille. Birgé : « c’est l’objet qui m’intéresse (« Ne pas être admiré. Être cru. » écrit Cocteau), pas le sujet (moi, nous). Le cinéma est mon médium, j’y fais tourner les tables. Je ne m’intéresse vraiment d’abord qu’aux structures et à la fiction. Si je cite Zappa et Charles Ives il y a des dizaines de cinéastes dont j’aimerais me réclamer. »

Musical- la vie, ses bruits. Poétique du son. Ses flux, ses fluides, ses fuites, ses formes, mouvantes, variables. Jazz. Rock. Électro-acoustique. La vaste sphère du contemporain. « La musique contemporaine est devenue consanguine. Elle a engendré des enfants idiots. Le jazz est devenu une musique de répertoire. Ceux qui n’écoutent que du rock n’aimaient que les marches militaires au début du siècle. On est fait. On est fait de tout ça mais aussi de notre terroir. Quand il y en aura marre des américonneries, il faudra bien puiser nos racines dans les anciennes et les nouvelles traditions européennes. Dans la
mesure où il restera un modèle à observer. » La composition, l’organisation, l’harmonie. La liberté, l’abstraction lyrique, la dissonance. L’écoute. L’entente.

Un Drame Musical - des pleurs, des cris , des larmes (pour rire), l’opéra. La chanson. La poésie. La voix blanche. La magie noire.

Instantané - la vie. In situ. Court-circuit. Le fugace, l’éphémère. Le hasard. L’improvisation. La performance. Instant volé. Le Temps. Le passage. La syncope. Le désir. Birgé : « aujourd’hui, vivre c’est bien mon occupation principale. Le bonheur comme dans un film de Jacques Demy, et en chanté. Les chansons permettent de toucher un plus grand public. Quitte à déranger, dérangeons du monde. Le multimédia (Carton), internet (www.hyptique.com/drame/), le cinéma (j’ai un long métrage sur la fin du monde en attente à l’avance sur recettes), la télévision (je n’ai pourtant rien réalisé depuis « Chaque jour pour Sarajevo » et « Le sniper ») nous ouvrent des champs nouveaux. »

Un Drame Instantané - le déséquilibre, la chute. La jouissance. La mort. La photographie, cliché clic-clac. « Le CD-Extra CARTON a été réalisé avec le photographe Michel Séméniako qui éclaire la nuit avec des lampes-torches. » L’histoire d’un instant. Le temps de l’Histoire. La révolution permanente. Birgé : « je déteste la répétition et je ne compose que des codas à tiroirs. M’étant formé à l’illusionnisme, j’appris qu’il ne faut jamais refaire deux fois le même tour. Je rabâche, c’est différent. Ce qui est fait n’est plus à faire et nous aimons faire ce qui ne se fait pas. »

Un Drame Musical Instantané.

1976. Trois hommes au départ, embarqués - Jean-Jacques Birgé, Bernard Vitet, Francis Gorgé. Deux maintenant (c’est la vie, pas un drame). Noyau dur. Complicité et complémentarité. Des histoires et des horizons différents. Vitet, l’aventurier, l’initiateur, trompettiste et compositeur. Participe au premier groupe de free jazz en France avec François Tusques, et à la première rencontre entre jazz et musique contemporaine avec Bernard Parmegiani. Il « fait le métier », musicien de studio (Gainsbourg, Barbara, Montand, Brigitte Fontaine, Marianne Faithfull...), se produit aux côtés des plus grands musiciens de jazz (Chet Baker, Don Cherry, Archie Shepp, Gus Viseur, Sunny Murray, Martial Solal, Steve Lacy...), compose pour le cinéma, invente des instruments d’une ineffable poésie (trompette à anche, contrebasse à tension variable, le dragon - gigantesque balafon...). Au carrefour, toujours, pour ne pas perdre le sens de l’étendue. « Bernard, c’est le savant Cosinus. C’est mon père, mais je suis sa mère. Nous sommes très complémentaires. Il est lyrique, pointilleux, fin latiniste, incapable de terminer un morceau tout seul, il est critique et contradictoire. C’est mon meilleur ami. » Birgé, le poète scientifique, spécialiste des instruments de synthèse en temps réel, ingénieur du son, un « cinéaste de l’oreille » (il sort de l’Idhec). Il s’essaie naturellement à la musique de film et sort simultanément, en 1974, son premier film, La Nuit du Phoque et son premier disque, Défense de.Birgé ne s’interdit rien... Depuis, il mène de front ces deux activités, qui pour lui n’en font qu’une. Un Drame Musical Instantané en est l’exemple le plus criant, parlant, signifiant, confondant... « Jean-Jacques, c’est Don Quichotte. Il enfourche son destrier, revêt son armure, prend les devants et me montre des possibles, là où je ne vois que désespoir et apocalypse. »{}

Un Drame Musical Instantané.Un groupe donc, ou plutôt un collectif accueillant, intégrant pour chaque nouveau projet de
nombreuses et diverses collaborations. « Nous avons choisi l’écriture collective parce que c’est le domaine de la dialectique. Nous recherchons la fréquentation d’esprits et d’acteurs indépendants. De là à penser que nous cherchons à rendre dépendants ceux qui ne le sont pas encore... »{}En vrac et au hasard - Lol Coxhill, André Dussollier, Luc Ferrari, György Kurtag, Michael Lonsdale, Louis Sclavis, Henri Texier, Dee Dee Bridgewater, le Balanescu String Quartet, Joëlle Léandre, Colette Magny, Carlos Zingaro, Yves Robert, Gérard Siracusa, Brigitte Fontaine, Vinko Globokar... Une démarche artistique dictée autant par souci esthétique (l’idée qu’une création partagée engendre nécessairement une sorte d’évolution permanente), que par choix politique. Mais l’un va-t-il sans l’autre ? Vitet : « J’ai choisi d’exercer un métier d’énonceur d’idées et de sentiments, c’est une aubaine. Je vois le gouvernement péruvien prendre le relais du pinochétisme au service de l’impérialisme américain, l’interminable liste des États terroristes s’allonge, un peuple s’avilit consensuellement dans la pratique de la corrida, d’autres dans celle de la chasse... On retrouve toutes nos colères dans les morceaux du Drame. » D’où l’extrême variété de leur champ d’action, et la profonde unité de leur démarche... Qu’ils proposent des univers sonores inédits pour films muets - Le Cabinet du Dr Caligari, l’Homme à la Caméra, Fantômas, La chute de la Maison Usher... -, s’intéressent au(x) texte(s), à la musique des mots, aux rythmes prosodiques, narratifs - Buzzati, Poe, Jules Verne... -, inventent des « musiques à propos » (de tout, de rien...), s’engagent dans de vastes spectacles multimédia ou d’insolites créations radiophoniques, dans tous les cas, les fictions musicales qui en découlent transgressent allègrement les genres auxquels elles empruntent, mêlent improvisations libres et structures sophistiquées, utilisation d’instruments traditionnels et traitement électro-acoustique du son, dans un mouvement paradoxal d’exploration radicale de chaque domaine et d’unification, d’ouverture et de synthèse. Aujourd’hui, avec Carton, Birgé et Vitet innovent encore. Un album de chansons (à textes - poétique, politique...) amplifiées, reflétées, prolongées... par une partie multimédia sur CD-Rom. « Cela permet de créer des spectacles de chambre interactifs : sur scène il y a un orchestre, devant l’écran on est tout seul au clavier... nous continuons à inventer des formes nouvelles où nous intégrons des phénomènes aléatoires et où le spectateur devient l’un des interprètes. » Autant d’agencements inédits, de nouveaux territoires à parcourir, à inventer...