Vacarme 17 / Arsenal

IM’média, l’immigration par elle-même entretien avec Mogniss H. Abdallah

IM'média, l'immigration par elle-même

D’un garçon qui a fait « l’histoire des luttes de l’immigration depuis les années soixante » [1], on n’ose pas esquisser la biographie. Son histoire individuelle est nouée à une histoire collective dont il refuserait sans doute qu’on l’isole comme figure, bien qu’il en soit une, incontestablement. Quant à l’histoire qu’il écrit, contre la logique du cas exemplaire ou du témoignage indigène, elle plaide précisément pour la réappropriation par les intéressés eux-mêmes de leurs propres combats : non seulement une histoire de l’immigration, mais une historiographie immigrée.

De Mogniss Abdallah, on rappellera donc seulement que l’État français a voulu l’expulser en 1979 : « Les flics débarquent chez moi, avec les pistolets, à six heures du mat’. Ils me tendent un papier m’apprenant que j’ai quinze jours. Il était dit que j’avais à plusieurs reprises troublé l’ordre public par mon comportement, texto. » On sait aussi qu’il trouve consternante l’affiche que lui propose les camarades de son comité de soutien : « Une vitrine cassée et écrit en bas "Autonomie Offensive". » Qu’il préfère un autre dessin : « Trois mômes. Un demande à l’autre : "Qu’est-ce que tu voudras faire plus tard ?" L’autre lui dit : "Expulsé, peut-être." Le dernier dit : "Chômeur". » Que ce dessin, il l’a archivé. Qu’il n’en parle aujourd’hui que parce que nous lui avons demandé, et qu’il en parle d’une voix douce, incroyablement douce par rapport au tranchant du discours. Bref. Les médailles, mais dans la poche. La radicalité, mais sans la posture de la radicalité. Le passé, mais comme un travail, sur soi, pour les autres, à disposition.

Mogniss n’a cessé de tenir l’archive des mouvements qu’il a accompagnés. En juin 1983, aux prémices de ce qui deviendra le mouvement beur, il crée les conditions à la fois d’une perpétuation de ce qui est en train de se faire et de la mémoire de ce qui s’est déjà fait. L’agence IM’média est née, une « agence de presse de l’immigration et des cultures urbaines », qui s’est efforcée, depuis, de documenter les luttes de l’immigration, au fil d’une histoire tour à tour furieuse et mélancolique. Il nous la raconte ici.

Peux-tu nous raconter comment et dans quelles conditions l’agence IM’média a été créée ?

L’idée d’une agence a germé vers 1981/82 et s’est concrétisée en 1983, pendant la période d’effervescence du mouvement beur. 1983, c’est l’année de la Marche pour l’égalité qui parcourt la France d’octobre à décembre et rassemble 100 000 personnes à Paris, c’est aussi l’année où se constitue l’association nationale des familles de victimes de crimes racistes et sécuritaires, plus connue sous le nom des folles de la place Vendôme.

On peut dire qu’à l’origine d’IM’média, il y a Rock Against Police (RAP), et la mort de Kader à Vitry en 1980. Kader était un gamin qui jouait au pied de la cité quand le gardien a tiré au 22 long rifle et l’a tué ; il se trouve qu’on le connaissait bien, le groupe RAP de Vitry avait fait plusieurs films Super 8 sur la cité où il habitait. Il y a eu une mobilisation importante, et quand les télés ont débarqué, il a été décidé de refuser qu’elles filment en leur proposant, si elles voulaient des images, de passer les nôtres. À l’époque c’était une proposition insensée : on cassait le schéma de l’informateur indigène, du témoignage captif, dans un cadre éditorial qui, déjà, alimentait le délire sécuritaire. Exemple : les copains de Kader disaient que le gardien a tiré après avoir vu le film Un justicier dans la ville à la télé. Les gens d’Antenne 2 sont rentrés sans images à leur siège, ont rappelé, et finalement ont passé 15 minutes du film Zone Immigrée, qu’ils ont payées. Des lascars choisis par le groupe lui-même ont par ailleurs pu débattre en direct à l’antenne.

Rock Against Police, c’étaient des concerts auto-produits en plein-air, au beau milieu des cités, pour faire sortir les groupes de musique ou de théâtre des caves et des MJC, et pour dire que les lascars des cités ne faisaient pas que des nuisances sonores répréhensibles. Leur « bruit », c’étaient aussi les prémices d’un nouveau mouvement culturel émergeant des banlieues. Rock Against Police fera des émules, notamment à Lyon avec Zaama d’Banlieue, un groupe composé de femmes issues de l’immigration, et constituera une sorte de coordination informelle pour faire circuler expériences et infos. D’où l’idée de parler de cultures urbaines, pas comme d’une mode, mais comme d’une culture liée à des pratiques sociales. Les Clash ou UB 40 en Angleterre, par exemple, étaient des groupes connus, créés par des chômeurs qui s’étaient rencontrés à l’agence pour l’emploi. Le dub-poet LKJ vivait sur la frontline à Brixton, composait textes et musiques à partir de ce quotidien et des grandes insurrections contre l’injustice sociale et raciale à travers le pays. En France, certaines expériences existaient déjà, les radios libres, le Super 8 ou la vidéo - qui venait juste d’arriver -, les journaux-tracts de quatre pages, la musique, et pas seulement le rock : le reggae, le gnawa, le chaabi. C’étaient des jeunes des cités - une majorité de Maghrébins, mais aussi des Français, des Portugais, et des Noirs africains - impliqués dans des campagnes anti-sécuritaires, et dont certains avaient pensé utiliser l’appareil photo ou la caméra, le stylo, ou la musique pour raconter ce qui se passait.

Au printemps 1983, j’ai monté un stage média à Lyon, dans le cadre de la fac Lyon II, avec Alain Battegay, un sociologue inspiré par l’Ecole de Chicago. Il s’agissait d’évaluer, d’une part la production militante des jeunes issus de l’immigration, et d’autre part les accès possibles aux grands médias, sur quatre ou cinq thèmes : les crimes racistes ou sécuritaires et les violences policières, les expulsions du territoire, les problèmes de logement en banlieue et les questions d’auto-affirmation par rapport au discours dominant sur l’immigration et sur les jeunes. Une vingtaine de personnes participaient à ce stage, essentiellement des jeunes issus de l’immigration de la région parisienne et de Lyon, de Saint-Étienne et de Marseille. Il y avait là des gars et des filles de la cité de transit Gutenberg de Nanterre comme des Minguettes, le groupe de rock arabe Carte de Séjour, Djida Tazdaït future députée au parlement européen, etc. Très vite, c’est devenu un forum permanent, pendant deux mois, au moment même où les affrontements jeunes-police atteignaient leur paroxysme aux Minguettes. Les « stagiaires », sans cesse fourrés sur place, ont voulu maintenir un cadre de référence commun. IM’média est née de cette demande, en juin 1983.
Le nom IM’média (IM’ comme image ou immigration) est venu comme ça, un peu par hasard. Mais il se trouve que c’était le nom d’un groupe qui avait réalisé dans les années 1970 l’affiche murale « Le Cri des Murs » ou encore des cassettes audio de radio Assifa avec des anciens du MTA (Mouvement des travailleurs arabes). Quant à la formule d’une agence de presse, c’était une référence à l’APL (l’Agence de presse Libération), qui avait donné naissance au quotidien Libération. L’APL représentait un exemple stimulant pour passer du tract de propagande fondé sur la rhétorique de la dénonciation des maos au dossier de contre-information fondé sur l’enquête. « Qui n’a pas fait d’enquête n’a pas droit à la parole ! » disait-on à l’époque.

Comment vous êtes-vous organisés, matériellement ?

La question des moyens ne s’est pas posée tout de suite. En fait, j’ai toujours pensé que la création d’IM’média a été un peu prématurée. Au début, nous avions seulement besoin d’un cadre pour continuer à nous coordonner sur le plan national, être efficaces face aux médias et faire circuler l’information entre des groupes éclatés dans toute la France. Le premier problème a été celui du lieu : on s’est installé à Paris, dans les locaux de Radio Soleil-Goutte d’Or, sans trop déterminer les modalités de fonctionnement avec le groupe lyonnais. Par ailleurs, au terme du stage, on avait plein de choses à dire, mais pas forcément toutes les compétences techniques. Pour faire face à l’exigence de qualité, la plupart des gens du stage ont suivi des formations individuelles dans des écoles audiovisuelles.

IM’média a été créée au moment où les beurs devenaient à la mode, on a donc eu toute une série de débouchés concrets. Par exemple, à l’hiver 1983/84, l’agence a participé à l’exposition « Les enfants de l’immigration » à Beaubourg, en concevant un espace que nous avons appelé « Révoltes positives ». Cet espace se voulait à contre-courant de la « mode beur » et des velléités institutionnelles de créer une nouvelle élite culturelle et médiatique déconnectée des révoltes sociales, ce que nous avons appelé la « beurgeoisie ».

On a eu des subventions du FAS (Fonds d’Action sociale) et du ministère de la Culture, on faisait alterner financements publics et auto-production. En même temps on a eu des ouvertures très tôt sur les TV internationales mais aussi sur France 3, et via le « Plan Câble » qui avait besoin de nouveaux programmes. On a fait des reportages tous azimuts. On a aussi fait des prestations de service pour des associations ou des institutions, réalisant des films ou montant des expos, toujours avec notre propre touche éditoriale. Enfin, on a vendu nos images aux TV, publié des photos dans la presse...

En 1986/87, au moment où le FAS commençait à mettre en cause l’émission Mosaïque (« C’est la fin des immigrés, des discours, spécifiques, etc. »), nos reportages ont été pris par des télés françaises. En 1989, on a coproduit pendant un an l’émission hebdomadaire Rencontres sur France 3. Là, c’était un gros morceau : on produisait entre 20 et 50 minutes par semaine. Nos principes antérieurs nous ont permis une indépendance financière et éditoriale : on s’est équipé de matériel professionnel, et, surtout, tout notre travail est resté la propriété collective d’IM’média. Nous avons donc une vraie banque d’archives, notre propre équipement professionnel, et on en voit bien l’importance par rapport à ce qui nous a précédé : les copains du mouvement des foyers Sonacotra n’ont aucune image. J’en ai discuté dernièrement avec Assane Ba [2], il leur reste juste un film fait par la Ligue de l’enseignement.

Quels liens aviez-vous avec les gens qui faisaient des films militants, les groupes de vidéo des années 70 ? Que sont-ils devenus, d’ailleurs, ces films ?

L’année dernière, j’ai essayé de travailler à un film lié au bouquin J’y suis, j’y reste , pour mettre le mouvement des sans-papiers de ces dernières années en regard de l’histoire de l’immigration depuis les années 1960. Eh bien, c’est très difficile de trouver des images et des acteurs des années 1960/70. Il y a pas mal de films sur lesquels je n’arrive pas à mettre la main : par exemple, le film sur la candidature de Djilali Kamel aux présidentielles en 1974 figure en bonne place dans les catalogues, mais où le trouver ? Les images d’archives existent, mais les militants qui avaient tourné celles d’après mai 68 ont maintenant des boîtes de production et renient complètement l’idée de la propriété collective. À l’époque, il y avait une dynamique collective ; aujourd’hui, tel ou tel essaie de s’approprier les choses, et nous-mêmes avons été confrontés à cette problématique avec La Ballade des sans-papiers, par exemple. Le statut de film collectif, pour continuer à travailler dans le milieu, ça ne marche pas.

Même entre nous, il y a eu des divergences sur ce thème. Dès l’émission Rencontres, certains disaient : « Qu’est-ce qu’on en a à foutre d’être co-producteurs ? » Cela impliquait en effet de reverser 50% du budget dans la production. Le contrat a été reconduit deux fois six mois, mais ensuite on nous a proposé un système émission par émission qui ne nous convenait pas. Ça fait partie des choses qui ont provoqué des tensions à l’intérieur d’IM’média. Je voulais qu’on profite de ce changement pour élargir notre collaboration, garder l’égalité des salaires, et privilégier les gens qui avait travaillé avec nous de manière militante. Par exemple Assane Ba, à qui j’avais confié une rubrique juridique dans chaque émission, et qui marchait vraiment bien.

Après l’émission, ceux qui ont continué se sont demandé : qu’est-ce qu’on fait ? Nous étions une quinzaine de salariés et quelques intermittents. Le rythme hebdomadaire convenait bien pour une agence de presse, mais il y avait aussi quelques ratages : quand on court derrière l’événement tout le temps, on a tendance à faire dans l’image éphémère, et ça ne nous convenait pas. On voulait produire des images qui ont un sens dans l’histoire. Donc on a un peu baissé la garde au niveau de l’actualité tous azimuts, et à partir de 1989/90, on a choisi de faire plutôt des documentaires au long cours.

En 1989, on a couvert la grève chez Peugeot, où on a vu que des travailleurs immigrés pouvaient être populaires dans une grève populaire. On a décidé de faire un documentaire plus approfondi sur les usines de Sochaux, Voyages au pays de la Peuge.Rappelons aussi la série de films sur l’Algérie (L’Après-octobre, Coincés à Alger, Femmes en mouvements...). En 1989/90, c’était le contrecoup d’octobre 1988 à Alger, et un tas de gens, qui dans un premier temps ont cru à la possibilité d’un renouveau démocratique en Algérie, se sont retrouvés en France sans le sou. Le réalisateur Merzak Allouache avait filmé pas mal de choses en vidéo 8, notamment des débats autour de la torture en 1988/89 à Alger. La qualité des images était un peu approximative, et cela n’intéressait personne. Moi si : c’étaient des documents historiques et la qualité technique passait au second plan. À l’époque, ça me faisait rigoler qu’on refuse des images sous prétexte de leur mauvaise qualité : toutes les télés du monde ont multidiffusé les images de l’exécution des époux Ceaucescu en Roumanie, or c’étaient des images VHS épouvantables et on en a vu des heures ! Mais là, il s’agit de l’Histoire avec un grand H, celle de la chute du communisme... En réaction, je dis toujours : il faut filmer notre propre Histoire, avec les moyens du bord, et sans complexe.

Avez-vous essayé de faire des films en collaboration avec des boîtes de production, des co-productions avec de grosses boîtes de documentaire, par exemple ?

Non, car la majorité des boîtes reproduisent les contraintes de la production télé et du CNC, notamment en matière de formatage (durée souvent déterminée par les plages publicitaires TV, angles d’attaque personnalisés pour accrocher le téléspectateur par l’affect etc.) Nous, on privilégie les coproductions avec des associations ou directement avec des télés. Y compris au niveau européen : on travaille beaucoup avec Migrant Media, la sister organisation d’IM’média montée à Londres par Ken Fero après un passage chez nous, et avc Kanak Attack, un réseau politico-culturel issu de l’immigration dans plusieurs villes allemandes.

Cela ne marche pas toujours. À la demande de la ZDF, on a essayé de faire un film sur les sans-papiers pour une Théma d’Arte. Cela a foiré parce que ZDF a voulu imposer des conditions de production dont nous avons refusé les principes mêmes. À force de plaquer ton économie sur l’économie dominante alors que tu n’as pas les moyens, tu suis, tu cours derrière, et tu te casses la figure. Après, c’est un mode de gestion et un choix politique ; tu as un montant X et tu le gères différemment. Ce qui compte, c’est de faire le produit sur lequel on s’est mis initialement d’accord. Mais quand des sommes trop importantes sont en jeu, les gens perdent la boule.

C’est l’idée qu’il y ait un auteur collectif qui gêne, ou que le collectif en question soit un collectif militant ?

Les deux. Dans le milieu de l’audiovisuel il faut un angle d’attaque individualisé ; par exemple, on ne veut voir le problème de la double peine qu’à travers un itinéraire, condition sine qua non pour que les choses passent. Au niveau de la démarche d’auteur, c’est pareil : il faut que ce soit X, Y ou Z qui réalise, et la plupart des grosses structures qui ont un rapport avec les médias ont pris ce pli. Quand tu vas dans les festivals avec des documentaires, on te parle toujours des documentaires d’auteur. Les documentaires collectifs, c’est ringard. D’ailleurs, il y a un autre vrai problème : la production collective, c’est souvent médiocre.

En général, ceux qui font des films sur l’immigration le font comme un fardeau, et après passent à autre chose. C’est ce qu’a fait Yasmina Benguigui avec Mémoires d’immigrés, un triptyque père/mère/fils de trois heures, très émotionnel, et à mon avis très manipulateur. Le film se termine sur l’idée qu’elle peut enterrer son père en France, que la France est sa terre, son pays. Nous, on a l’habitude de dire que l’immigration n’est pas une matière morte, un sujet qu’on traite en passant ; c’est un sujet qui vit.

Comment gérer le travail collectif sur ce genre d’objet ? Quand tout est vraiment collectif, comment fait-on pour prendre certaines décisions, au montage par exemple ?

Quand on est dans une dynamique de campagne et porté par les évènements, le collectif marche assez bien, les discussions en AG permanente doivent aboutir à des décisions, donc à des choix éditoriaux. Mais sur la longue durée c’est beaucoup moins clair, d’autant plus que des idées de gestion collective et de coopérative ne sont pas dans l’air du temps. Comme historiquement IM’média n’a jamais été dans le trip gauchiste qui consiste à zapper d’un sujet d’actualité à l’autre - un coup les zapatistes, un coup les sans-papiers, un coup les mal logés -, c’est encore plus difficile. Certains membres d’IM’média ont rejoint cette pratique : en particulier ceux qui considéraient qu’il fallait passer d’un pôle collectif à un pôle d’auteurs où chacun mène son projet perso. C’est la conséquence d’une démarche individuelle et focalisée sur les sujets porteurs. Et dans la relation de travail elle-même, les auteurs ont en général tendance à instaurer un rapport autoritaire à l’équipe, dont les membres sont réduits à de simples exécutants.

Mais Douce France, par exemple, reflète assez bien la possibilité d’un discours collectif : c’est un film constitué à partir des images de l’agence mais aussi d’images extérieures. Il essaie de montrer les différentes options existantes dans l’immigration, sur les questions des droits politiques, culturels, économiques et sur l’islam. La construction même et le type de narration correspondent à l’évolution par à-coups des consciences : s’il s’agit bien de restituer l’histoire politique de l’immigration des années 1980, le film ne se contente pas d’une chronologie historique. On m’a dit : « Pourquoi ça ne commence pas par octobre 1961 pour aller jusqu’à aujourd’hui ? » Simplement parce que les gens qui se fritaient avec les flics aux Minguettes n’avaient aucune idée de ce qui s’était passé en octobre 1961. Ils s’y sont intéressés bien après, sous le coup des désillusions de la gauche au pouvoir ; il fallait alors se repositionner : « Mais on est qui ? mais on est où ? nos parents, sont-ils vraiment restés silencieux et invisibles comme on le dit ? »

Douce France a été fait dans une version de 52 minutes pour Channel Four en 1992, mais par la suite on l’a rallongé car les gens en redemandaient. On est arrivé à une version de 87 minutes. Dernièrement, en circulant avec Douce France, j’ai rencontré des mômes d’un lycée technique de Marseille qui m’ont dit : « Et la suite ? », et je me suis dit : « Pourquoi pas ? » On va donc s’atteler à Douce France 2, avec la même structure narrative, avec les mêmes acteurs - pour ceux qui n’ont pas abdiqué, et cela, même s’ils ont changé d’attitude ou d’option. Cela nous permettra de faire le point sur l’évolution du mouvement politique de l’immigration et des banlieues dans toute sa diversité, histoire de faire mentir ceux qui disent qu’il n’existe plus, voire qu’il n’a jamais existé !

Vous avez beaucoup travaillé avec les sans-papiers. Comment ce mouvement a-t-il modifié votre stratégie et votre manière de produire ?

Quand est arrivé le mouvement des sans-papiers, il a fallu bosser sans se poser de questions, pendant deux ans. Le paradoxe c’est que le mouvement des sans-papiers a surgi au moment où l’on se posait des questions graves sur la raison d’être d’IM’média. D’un côté, ce mouvement justifiait notre fonction d’agence de presse : couvrir l’événement, mettre en relation les gens, étendre le réseau. C’est ce qu’on a fait. La ballade des sans-papiers est le produit le plus connu, un film complètement collectif, même s’il a nécessité une coordination assurée entre autres par mon frère, Samir Abdallah, et sa structure, L’Yeux ouverts. Pendant l’occupation de Saint-Bernard, on demandait aux gens qui accouraient de partout caméra au poing de mettre les images dans un pot commun ; on avait les capacités de faire le montage et de produire tout de suite des documents qui servaient aux collectifs de sans-papiers pour expliquer la lutte. Je ne sais pas combien il y a de versions de La Ballade. On a remonté et rajouté des trucs au moins une dizaine de fois. Pour moi, c’est une chronique, un vidéo-journal ; cela n’a rien de mirifique au niveau de la réalisation, c’est surtout un document qui a été utile pour l’extension et l’explication de la lutte des sans-papiers. J’ai passé 15 mois, en France et en Europe, principalement en Allemagne, à me promener avec ce film. Plusieurs collectifs locaux se sont créés au lendemain des projections. Je me suis retrouvé en dehors du circuit habituel d’IM’média (Lille, Paris, Lyon, Marseille), et j’ai toujours en tête cette image : j’arrive à Saint-Brieuc, une ville dont je connaissais à peine l’existence, et tout à coup devant moi il y avait 400 personnes qui toutes voulaient la cassette. Maintenant on doit en être à 4000 copies diffusées, chacune vendue 200 F, dont 100 F pour la production et 100 F pour le collectif qui diffuse - sans compter les cassettes piratées et parfois vendues à notre insu sur les marchés ou dans les foyers par des sans-papiers ! Au moins, on peut dire qu’ils s’identifient au film, ce qui n’est généralement pas le cas pour l’écrit (support papier ou internet). Ce type de diffusion, avec au final un potentiel économique réel, me semble plus important encore qu’un passage télé : il crée des liens, beaucoup de liens, là où la télé ne fait que ramener des sous. Ainsi, à ma connaissance, le passage de la Ballade sur Planète Câble n’a eu aucun impact. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille délaisser la TV, seulement qu’il ne faut pas miser toutes ses forces sur elle.

Mais, au-delà de la couverture du mouvement des sans-papiers au jour le jour, il fallait mettre celui-ci en relation avec l’histoire politique de l’immigration. Cela m’avait sidéré à l’époque de Saint-Bernard, de voir des slogans du genre « c’est toutes les lois sur l’immigration qu’il faut revoir depuis les années soixante », alors que la plupart des gens qui distribuaient ces tracts ne connaissaient rien à ces lois. Il fallait travailler sur l’immigration au regard des différentes lois de contrôle de l’immigration. Ce n’était pas un rapport abstrait à l’histoire, pas plus qu’une manière de minimiser le rôle des sans-papiers africains de Saint-Bernard, c’était un moyen de traiter le problème du clivage avec l’immigration dite régulière. Aujourd’hui, cinq ans après Saint-Bernard, les mouvements de sans-papiers sont en mauvaise posture et sans grandes perspectives, et il n’y a pas grand chose non plus du côté de l’immigration avec papiers. Et puis on se rend compte que, dans une famille d’immigrés, il y a des Français, des gens en situation régulière, et des sans-papiers. Il va donc falloir retrouver une nouvelle centralité sociale et politique. Resituer les histoires de sans-papiers dans l’histoire de l’immigration et, au-delà, dans le mouvement social global, c’est un moyen de recomposer le mouvement et de l’élargir. Évidemment, si au niveau théorique c’est très séduisant, sur le terrain cela reste plus problématique.

C’est déjà ce que vous aviez fait avec Douce France, où l’on trouve non seulement un dialogue avec le MIB, mais des interventions de gens très différents, des débats entre les générations, etc.

Notre implication dans les mouvements de sans-papiers nous a montré que les gens redécouvrent des aspects de l’immigration méconnus ou oubliés. Roland Diagne, du comité sans-papiers du Nord, a été fasciné en voyant récemment Douce France, parce qu’il y trouvait des éléments historiques qui permettent de comprendre certains clivages. Par exemple, s’il y avait eu plus tôt un lien entre l’immigration régulière et les sans-papiers, la revendication de la carte de dix ans aurait été défendue avec plus d’acharnement. C’est seulement un an après la circulaire Chevènement, lors du renouvellement des cartes des premiers régularisés, que les gens se sont dit : « Il faut tout recommencer à zéro. » Ce genre de ratage est dû au cloisonnement en catégories multiples, la grande prouesse des socialistes depuis qu’ils sont au pouvoir.

Un des rôles que peut jouer IM’média actuellement, c’est celui d’interface entre des milieux qui s’ignorent, principalement par méconnaissance et non pour des différences politiques de fond. Prenons par exemple la question des sans-papiers et celle du droit de vote : les sans-papiers ne supportent pas la facilité qu’ont certains, comme le PC, à passer de l’une à l’autre sans crier gare, du coup ils finissent par considérer le droit de vote comme une question secondaire. Nous, on plaide pour l’autonomie, l’auto-organisation, pour une réflexion où les intéressés se déterminent depuis leurs intérêts propres, pas par rapport à ce que font les autres, par suivisme ou critique radicale, ce qui revient au même. La régularisation des sans-papiers et les droits politiques, ce sont des enjeux communs qu’ils ne faut pas dissocier.
Pour nous, revendiquer la carte de résidence unique de dix ans pour tous, c’est aussi revendiquer la citoyenneté de résidence, donc les droits politiques pour l’ensemble des résidents immigrés. C’est aussi une question de formulation : beaucoup de militants français pensent le droit de vote dans une logique de consultation des résidents étrangers ; les immigrés disent plutôt « droit de vote et d’éligibilité  », aux élections locales et à toutes les élections, ce qui implique leur participation directe à la prise de décision politique.

Autour de ces idées, j’ai fait pendant un an une tournée commune avec Saïd Bouamama, un sociologue et militant associatif de Lille. Il a en effet intitulé son pamphlet sur la lutte pour les droits politiques des immigrés J’y suis, j’y vote, en référence explicite à mon livre J’y suis, j’y reste - une manière aussi de souligner la continuité et la cohérence des luttes immigrées.

Vous avez fait des films sur la question des femmes ?

Nos films sont en majorité des histoires de mecs. Mais oui, il y a des films sur les femmes en Algérie, sur les femmes qui vivent entre ces deux pays, et sur les associations animées par des filles issues de l’immigration. Et on fait tout un travail avec les mères et les sœurs des victimes : les campagnes sur la justice, contre la double peine, ce sont les femmes qui les portent ; ce sont les mecs qui cassent les bagnoles, mais les mères et les sœurs qui portent les campagnes dans la durée. Et dans la lutte des sans-papiers, les femmes ont eu un rôle leader. Avec Madjiguène Cissé, Samir a fait une version de la Ballade dédiée aux femmes : Sans-papières mais pas peu fières.

Comment fonctionne aujourd’hui votre agence, et vers quoi s’oriente-t-elle ?

À l’occasion du mouvement des sans-papiers, nous sommes revenus à un fonctionnement militant, bénévole, avec les risques que cela comporte, mais sans être dupes de la nécessité du rapport à l’économique. C’est pourquoi j’ai été attentif à ce qu’il y ait une bonne diffusion des films et des documents écrits produits par l’agence. L’idée, c’était de réduire ses ambitions, de redéfinir sa fonction pour être davantage en phase avec sa raison d’être. Pas une agence multimédia obnubilée par sa propre croissance. Ni un pôle de jeunes gens qui aspirent à faire carrière dans les médias, sans intérêt réel pour l’engagement collectif. Mais plutôt une petite structure d’appoint aux groupes militants, qui sert de conseil média, pour monter des journaux, des expositions, pour faire des films, tout en continuant à gérer un stock d’images en vidéo et en photo, et éventuellement les vendre aux télés. C’est l’option actuelle.
Par exemple, dernièrement, j’ai donné un coup de main à la revue Zaarma pour un numéro sur le mouvement beur, et j’ai travaillé avec la FASTI et la FAJ (fédération des associations de jeunesse de Roubaix) pour un numéro spécial de la revue Alerte sur les impunités policières. Actuellement, je travaille avec le MIB sur le procès du policier qui a tué Youssef Khaif à Mantes-la-Jolie il y a dix ans, procès qui aura lieu fin septembre. Il s’agit de faire un film, un journal, et d’organiser la campagne dans un contexte d’hystérie sécuritaire qui va aller à mon avis en s’aggravant dans les mois à venir - présidentielles obligent.

Depuis quelques mois, on discute de la nécessité de refonder un nouveau média plus ambitieux, à la fois organique au mouvement et en même temps capable de prendre une distance critique par rapport à la propagande au sens propre. En dehors des outils de propagande - tracts, journaux -, auxquels je pourrais donner un coup de main technique, ce qui m’intéresse, c’est un outil de réflexion capable de créer cette distance qui, selon moi, permettra à tout le monde d’avancer à moyen terme ; alors que la propagande, c’est éphémère, on répond toujours à quelque chose, c’est du donnant-donnant. L’idée à terme est de reconstituer la fonction première du média, avec des gens du MIB, d’Agora-Divercités, de l’ANGI, peut-être des Motivé-e-s, dans des espaces autonomes vis-à-vis des structures, et de créer des organes de réflexion performants. Par ailleurs, on songe à faire le point sur les associations issues de l’immigration qui ont été autorisées à part entière en 1981, et, pourquoi pas, à constituer une plate-forme ou un forum commun à l’occasion de véritables états-généraux.

Je suis favorable aux échanges entre médias libres et à leur regroupement, par exemple dans des lieux communs. En ce moment, on évoque un tel projet dans le XIXe vers Stalingrad où s’installeraient à la fois le MIB, Zaléa TV, la radio Fréquence Paris Plurielle, des gens de l’internet alternatif, etc. IM’média participe actuellement à l’expérience de Zaléa TV où j’anime une émission hebdomadaire tous les lundis soir. L’essentiel du catalogue de films d’IM’média a été diffusé, ainsi que nombre de rushes inédits. Ce projet m’intéresse parce qu’il pose la question d’une télévision libre nationale et réfléchit sur la mise en réseau d’une multitude de groupes se retrouvant dans le Tiers-secteur audiovisuel.

On pense aussi à un site internet IM’média. En attendant, je participe à la liste de diffusion zpajol (sans papiers) ; en tout cas j’essaie de contribuer à la relance de ce site qui, à l’image du mouvement des sans-papiers, s’essouffle en ce moment.
Enfin, je voudrais voir aboutir notre projet de documentaire sur le 17 octobre 61, un documentaire vu du côté de l’immigration. C’est long et pas simple, mais ça viendra.

Que sont devenus les individus qui sont passés par IM’média ? Est-ce que l’agence a su offrir, en même temps qu’une alternative politique, collective, une alternative individuelle, professionnelle, à ceux qui en ont été ? Pour dire ça crûment, est-ce qu’IM’média c’est aussi une auto-organisation de l’emploi ?

C’est compliqué. IM’média a vu passer beaucoup de monde. Des relations humaines fortes se sont nouées entre les gens, dans le cadre du boulot pour l’agence et plus certainement encore, en marge. Pas mal de gens ont été salariés avec des statuts de plus en plus diversifiés, d’autres ne l’ont jamais été. Une sorte d’accoutumance à des situations arrangées de gré à gré a provoqué une banalisation de relations inégalitaires de fait. À l’époque des sans-papiers, on avait décidé de ne plus jouer le jeu de la subvention, du financement public, et des emplois, aidés ou non, qui vont avec. C’était devenu sordide : je me souviens des demandes de stage de secrétariat par les filles ; ça m’a toujours foutu les boules cette intériorisation, cette reproduction des phénomènes d’exploitation et de répartition des tâches qui aboutit à la logique : « À chacun sa merde ! » Il y avait aussi un couple de vieux Kabyles qui faisaient le ménage dans plusieurs associations, et on s’est dit pourquoi pas chez nous ? Je me suis retrouvé dans le rôle du gestionnaire, du producteur au sens classique, avec la secrétaire qui était une petite nana beur ou black et les vieux kabyles qui passaient le coup de balai. On faisait faire le ménage à ceux qui n’arrivaient pas à joindre les deux bouts, alors qu’on défend le principe d’autres relations humaines, plus égalitaires. J’ai personnellement tenu à mettre fin à ces dérives.

Par ailleurs, la plupart des jeunes du début de l’aventure sont aujourd’hui intégrés soit comme techniciens, soit comme journalistes, ou réalisateurs, à gauche et à droite, et quelques-uns continuent à zoner. Cela fait réfléchir. Est-ce qu’en dépit des discours IM’média fonctionne comme une machine à intégrer, comme un média ordinaire ? Mon sentiment est partagé. Il y a eu d’autres expériences, qui se sont terminées. Chez nous, la contradiction et les questions persistent. Est-ce qu’il faut relancer IM’média ou privilégier la multiplication des partenariats, avec un modèle de fonctionnement plus éclaté ?

Je serais tenté de dire que, sur le plan individuel, IM’média a offert à la fois moins et mieux qu’un revenu ou un métier : IM’média fournit de la mémoire, une histoire, de quoi s’approprier sa vie. M’intéressent les gens qui ont vécu à cheval entre les périodes symboles, et la vision qu’ils en ont. Les générations se succèdent de plus en plus vite ; en 1988-1989, dans les cités, certains ne savaient même pas qui était Malik Oussekine. Une des fonctions d’IM’média c’est de maintenir le fil. Même Zebda et les Motivé-e-s, avec leur effet d’entraînement, n’arrivent pas à véhiculer tout cela. Ils nous ont contactés pour intervenir, avec d’autres, pendant leur université d’été sur le mouvement beur. Il y a plusieurs réseaux, dont celui du MIB, qui se demandent comment fédérer les initiatives et surtout comment tirer les leçons des expériences vécues. Plutôt que par l’action individuelle, j’ai toujours été tenté par la mise en réseau.

Personnellement, j’insiste beaucoup sur l’écrit, mon vrai domaine de compétence. Je rêve d’une collection de petits bouquins pas chers chacun sur un thème très pointu, par exemple l’Étoile Nord-Africaine, la gauche coloniale, ou les sources du racisme anti-arabe en France. Quand on fait des journaux, des revues, des films, on voit bien que la forme livre a encore quelque chose de sacré. En 1994-95, on a édité le texte d’une pièce de théâtre, Et Dieu créa l’ANPE. C’est aussi un polar. On a tout de suite remarqué le respect du support, qui n’a rien à voir avec les autres formes. Un livre, les gens l’achètent - ou le piquent je ne sais où ! - et le gardent pour le lire et le relire. Et, en termes de contenu, c’est beaucoup plus puissant. Les gens mettent plus facilement en rapport leur propre expérience et la conscience qu’elle peut s’inscrire dans l’histoire.

J’essaie de gamberger sur ce rapport entre l’immédiat et l’histoire. On a tendance à trop schématiser l’opposition entre mémoire et histoire. Ce n’est pas étonnant, cela vient d’une attitude corporatiste des historiens. Par exemple, dans J’y suis, j’y reste, je me sers de documents écrits et de documents filmés. Par ailleurs, je pousse certains copains qui savent écrire à travailler sur la transcription de l’histoire immédiate. Sans polémiquer de façon inutile, je sais que tout cela sera ensuite utilisé par les historiens comme document écrit. Ce qui est dit prend une autre valeur une fois écrit. Même si ce ne sont pas des documents grand public.

Filmographie partielle

  • Minguettes 83 : paix sociale ou pacification ?, 26’, IM’média/CCI Beaubourg, 1983.
  • Fabrikons français, 52’, IM’média, 1987
  • Video News, journal vidéo, 3 n° entre 1986 et 1989 (dont 22 ça craint ! et Les beurs en politique)
  • Licence to kill, 35’, IM’Media/Race today, 1987
  • Voyages au pays de la Peuge, 60’, S. Abdallah, M.Lazzarato, R. Ventura, A. Melitopoulos, 1990.
  • RAUS ! Germany the Other Story (1), 32’, M.Abdallah/K. Fero, IM’média/Migrant Media 1991.
  • Britain’s Black Legacy, 45’, M. Abdallah/K. Fero, IM’média/Migrant Media, 1991.
  • Douce France, la saga du mouvement beur, 52’, M.Abdallah/K. Fero, IM’media/Migrant Media, avec la participation de LKJ, 1992 (VF 87’, 1993).
  • Y en a marre de la double peine, 40’, IM’média, 1993
  • Legacies of the transatlantic trade, 13’, M. Abdallah, 1994.
  • Le Syndrôme de Hoyerswerda, 52’, M. Abdallah/ J.Banerjee, IM’média, 1996.
  • La Ballade des Sans-Papiers, 87’, L’Yeux Ouverts/IM’média, 1996/97.
  • La Caravane des quartiers, le road movie, IM’média, 1997/98
  • J’y suis, j’y reste, j’y vote, 120’, IM’média/Zaléa, 2001

IM’média
BP7 75965 Paris cedex 20
mog@club-internet.fr
des textes à http://bok.net/pajol/sanspap/immedia/immedia.html

Post-scriptum

lire Nous sommes tous Youssef ! (Déclaration du MIB à propos du bilan du procès de Versailles)
Rassemblement le vendredi 12 octobre 2001 sur la dalle du Val Fourré à Mantes-la-Jolie (Mantes 2), à partir de 16h30

Notes

[1J’y suis, j’y reste ! Les luttes de l’immigration en France depuis les années soixante, éditions Reflex, 2001

[2Un des leaders du mouvement de grève des loyers des résidents des foyers Sonacotra (1975-1980). Voir Vacarme n°16, pp. 4-14.