classes populaires, parti populiste ?

Il y a deux manières de compliquer l’équation « vote FN = vote populaire », reprise un peu partout comme une évidence indiscutable depuis le 21 avril. On peut décrire la façon dont cette superposition, prélevée sur un corps électoral soumis au conflit des interprétations, est construite du dehors (c’est la thèse d’Annie Collovald). Reste que la critique d’un discours ne vaut pas, d’elle-même, démonstration de l’irréalité de son objet. On peut alors examiner, du dedans et sans nier un instant le fait que certains ouvriers votent pour Le Pen, comment cette équation suppose une référence au « peuple » dont le sens demeure en blanc. Car l’indécision du « populaire », en l’affaire, n’est pas seulement l’effet de catégories politologiques trop larges et paresseuses ; elle renvoie aussi à la réalité d’un monde ouvrier dont les formes d’identification connaissent une crise profonde, et dont l’unité est celle, paradoxale, d’un nuage de rivaux. Le démontage du discours hâtif sur les salauds de pauvres est nécessaire ; une ontologie de ce peuple-là reste, elle aussi, à faire.