La parenthèse hantée entretien avec Robin Campillo

La parenthèse hantée

Ce n’est pas la première fois que des morts reviennent au cinéma. L’originalité des Revenants, premier film de Robin Campillo (qui est aussi co-scénariste et monteur des films de Laurent Cantet), réside moins dans son argument que dans la discipline à laquelle il le soumet. Des soixante-dix millions de morts qui déferlent un beau jour dans le monde, on ne saura ni la cause ni le projet. Ces morts n’exigent pas la restitution d’une dette, comme c’est le cas dans les films de fantômes, et leur hémorragie subite ne procède pas du dessein malveillant de quelques vivants, comme le veut une tradition fantastique. L’arrivée des revenants a la qualité de ces purs événements qui dérèglent le calendrier et périment les outils disponibles. Campillo filme le retour des morts comme ses personnages s’y affrontent : non en cherchant à lui faire rendre raison, mais en expérimentant des moyens pour lui faire face ; non en posant la question - théorique - du pourquoi, mais celle - pragmatique - du comment. On s’en doute, cette question plait à Vacarme.

Comment faire, donc, puisque les morts sont revenus - ceux du moins dont les souvenirs sont restés vivaces ? L’épreuve collective (il faut bien réguler ce flot de personnes déplacées, dans tous les sens du terme) se double de drames intimes (un enfant, un homme jeune, une vieille femme rentrent dans leur famille). Le film de Campillo - c’est sa deuxième originalité - évite pourtant une certaine manie du cinéma américain actuel, auquel le postulat du film semble d’abord l’apparenter : une mise à niveau généralisée, dont l’économie consiste à faire s’équivaloir fiction planétaire et théâtre familial. D’abord, en situant son film dans une ville moyenne de province, et plus particulièrement dans son conseil municipal - soit un lieu politique où se heurtent sans s’agencer des échelles incommensurables : la hauteur d’homme et la gestion des populations. Ensuite, en jouant du contraste maximum entre des plans très larges et des plans très serrés, la pénombre et l’irradiation, embarquant le spectateur dans un univers fantasque où aucune synthèse, aucune solution de continuité ne parait s’imposer.

Cette instabilité est d’autant plus sensible que Campillo met en déroute toutes les hypothèses qui permettraient de rabattre son film sur un sens global. La république miniature qu’il met en scène et les cas individuels qu’il distingue évoquent sans doute la fable. Mais la fable de quoi ? du deuil ? du terrorisme ? des réfugiés ? des malades ? des minorités en général ? Impossible de trancher, non seulement parce que chaque cas d’école vient démentir le précédent, mais aussi parce ces hypothèses coexistent sans qu’aucune parvienne à absorber le récit. Ni plaidoyer ni parabole, Les Revenants rouvre le vieux problème des rapports entre fiction et politique en pariant que la littéralité d’une fiction est la meilleure manière d’accueillir le réel et ses images, de leur faire écho pour les mettre en question.

Rien d’étonnant dès lors que Campillo fasse de l’hospitalité la question de son film, fût-ce pour lui imposer une troublante torsion. Accueillir, c’est peut-être aussi bien laisser arriver que laisser partir ; faire face, c’est aussi parfois lâcher prise. Les morts reviennent, puis ils s’en vont, faisant des Revenants une parenthèse hantée, mais qui rend perceptible une vibration (les deux histoires d’amour du film) et laisse sourdre un grondement (ritournelle ? conspiration ? colère des morts ?). Quelques mois après la sortie du film, on a voulu rouvrir cette parenthèse avec son auteur. En lui demandant, pour commencer, d’apporter les images où s’enracine le projet de ses Revenants.

J’avais vingt ans quand je suis tombé sur ce reportage de Paris-Match, les premières images d’un homme malade du sida. C’était en 1982. Le texte n’était pas si honteux, ni sensationnaliste ni moralisateur. Mais les images étaient très violentes. Le reportage mettait en regard des photos heureuses d’un couple gay - avant la maladie -, et des photos « actuelles » de ce même couple : l’un des deux types était squelettique, il avait presque un visage d’extraterrestre. Il faut se rappeler que c’était la première fois que Paris-Match publiait des photos d’un couple de mecs. Pour moi l’effet-miroir a été immédiat : ce type et moi, nous étions la même personne. À l’époque de la parution du reportage, il était déjà mort : je rentrais donc de plein pied dans un « devenir-mort » comme beaucoup de jeunes gays sans doute, c’était simple et implacable. Ces images fonctionnaient comme un mauvais présage, une condamnation.

Le lien de ces images avec mon film tourne autour de la question de l’impensable. C’était réel, et pourtant tellement démesuré que cela ressemblait à un mauvais sujet de science-fiction ; et paradoxalement, c’était tellement aberrant qu’il était impossible que cela ne nous arrive pas. Avant la maladie, avant ses manifestations et ses effets, un discours nous parvenait - doublé d’un discours de « la science » - qui nous disait que cet impensable-là allait advenir, et qui nous y projetait d’avance. Dans Le Horla de Maupassant, le narrateur commence par remarquer chez lui de curieux symptômes, bien avant de se souvenir d’un article d’une revue scientifique sur une maladie qui est sans doute la sienne. Le sida a fonctionné à l’inverse : bien avant les symptômes, l’annonce scientifique et l’état de mort qu’elle produisait à l’avance. Comme si la maladie elle-même n’allait être qu’une parenthèse, une simple formalité entre l’annonce et la mort. Dans mon film, une scène m’émeut particulièrement : Rachel (Géraldine Pailhas) est chez elle ; elle entend au loin les premières explosions. Elle ne voit rien encore, mais ces explosions font vibrer la surface des vitres. Or c’est exactement le sentiment qu’on a eu à l’époque : l’épidémie avait commencé au loin, on n’en avait que des répercussions, mais elle se rapprochait.

Pendant près de six ans, j’ai refusé de passer le test : je me disais que j’étais « potentiellement » séropositif. Et durant toutes ces années je n’ai pas eu de vie sexuelle. La peur d’être contaminé, la peur de contaminer, c’était pour moi la même chose. Et puis un jour j’ai retrouvé mon premier copain, un type avec qui j’étais avant l’épidémie. Nous avons passé ensemble une soirée. Il était crevé, visiblement malade. Et évidemment, nous avons parlé de tout sauf de cela. Il ne m’a pas rappelé et je n’ai pas osé le faire. Longtemps, je n’ai pas su s’il était mort ou vivant, jusqu’à ce qu’une amie m’annonce son décès, quatre ans après sa mort. Ces quatre années, dans ma tête, il avait continué à vivre sa vie. Il avait presque un quotidien ; je m’étais même imaginé que nous allions reprendre un jour notre histoire. Cet épisode me rappelle une expérience de physique quantique : « le chat de Schrödinger ». On place un chat dans une boîte noire, pourvue d’un système destiné à tuer le chat : un flacon de poison, une petite quantité de matière radioactive et un compteur Geiger. De l’extérieur, celui qui fait l’expérience désintègre le noyau radioactif, le compteur Geiger réagit et déclenche un mécanisme qui casse flacon et libère le poison. Or la désintégration d’un noyau radioactif est un processus quantique qui se décrit en termes de probabilités. Il est impossible de prévoir quand la première désintégration se produira. Comme la désintégration radioactive s’exprime en termes de probabilités, le sort du chat ne peut être décrit qu’en termes similaires. Bref, dans l’interprétation traditionnelle de la mécanique quantique, le chat n’est alors ni mort, ni vivant : il se trouve dans une superposition de ces deux états, il est l’un et l’autre. Ce n’est que lorsque l’observateur ouvre la boîte que l’un des deux états possibles devient la réalité.

Là aussi, il y a peut-être un lien avec le film. Pas avec son récit, mais avec l’état des personnages : avec ce drôle d’état. Dès lors que l’impensable est arrivé, que les morts sont revenus, il n’y a plus de différence majeure entre les morts et les vivants. Ce drôle d’état dans lequel tout le monde est pris est au coeur du film : de sa substance bien plus que de ce qu’il raconte. Formellement, il devait donner une impression de suspension. Ce que j’appelle son « glacis ».

Dès les premières séquences, votre fiction semble attirer comme un aimant toute une série d’images et de questions - un film sur l’insertion ? sur le deuil ? sur la dépendance ? -, sans jamais pour autant devenir esclave de ces métaphores. Comment s’opère cette circulation entre le récit et ces éléments composites qui viennent s’agréger à lui ?

Il y a un genre au cinéma que les Américains appellent « What if films » : des films qui partent d’un postulat audacieux, comme par exemple L’Homme qui rétrécit de Jack Arnold. Son postulat est clairement exprimé dans le titre : un homme devient de plus en plus petit, jusqu’au moment où il devient infilmable pour la caméra. Arnold déploie une rigueur mathématique à imaginer la succession logique des implications de son idée de départ. Dans mon film, le postulat est exprimé tout aussi simplement par le maire de la ville : « L’impensable vient de se produire : des gens qui hier encore étaient morts sont revenus. » Mais contrairement à L’Homme qui rétrécit, dont la narration reste très limpide, j’ai essayé au contraire de faire proliférer la fiction. De sorte qu’au fur et à mesure de sa progression elle trouve des échos de plus en plus complexes, de plus en plus étranges, avec notre réalité.

Le film ne produit pas des métaphores : il entre en résonance avec des éléments réels, comme Sangatte par exemple, mais il ne « parle » pas de Sangatte, il n’en est pas la fable. Si j’avais eu envie de faire un film sur Sangatte, j’aurais affronté le sujet. D’une certaine manière, le centre de la Croix-Rouge trouve tout naturellement sa place dans le film. Au moment de l’écriture du scénario, j’étais souvent dans le Pas-de-Calais, je suis allé à Sangatte. J’ai été d’abord frappé par l’étrangeté de ce grand hangar blanc posé au beau milieu d’un champ : une sorte d’ovni au milieu d’une nature domestiquée. On pouvait songer à une utopie dans un film d’anticipation - notamment au Farenheit 451 de Truffaut. Or je ne peux pas m’empêcher de penser que ce caractère anachronique du lieu est en fait lié à sa fonction : accueillir des personnes qui ne devraient pas être là, que personne ne souhaite voir s’établir, mais que l’on ne souhaite pas non plus laisser passer en Grande-Bretagne. C’est sans doute dans ce paradoxe que se joue le lointain cousinage des réfugiés de Sangatte avec mes revenants. Un autre élément m’avait frappé : la nuit venue, des réfugiés tentaient de gagner l’Angleterre, on pouvait les voir traverser l’autoroute par petits groupes. Là encore, la dimension fantastique, inquiétante, de ces déplacements nocturnes entrait naturellement en phase avec mon sujet. Je n’ai pas eu à forcer les choses pour que ces éléments trouvent leur place dans mon film. Ce sont avant tout des sensations qui produisent du sens ou plutôt des réseaux de sens que je n’ai pas eu besoin de manipuler. Cela m’amuse de travailler comme cela : je pars d’un tronc central - une histoire simple et précise - et je me demande si je n’ai pas déjà vu ça quelque part. Or ce sentiment de déjà-vu, je ne cherche pas à lui faire corroborer ma fiction : il s’agit au contraire de la mettre en danger, de la laisser ouverte dans des sens que je ne maîtrise pas. C’est un peu comme si j’essayais de construire le phare d’Alexandrie : sur le tronc central, il y a plein de petits miroirs, et la lumière part dans tous les sens. Ma fiction devait pouvoir de la même façon absorber des éléments hétérogènes du réel, et les réfracter : être sous leur violence.

Je voulais faire en sorte qu’on soit pris dans un univers de correspondances ; qu’on ait le sentiment de reconnaître des choses familières qui deviennent tout d’un coup très curieuses, parce qu’elles concernent des morts, et qu’elles prennent un tout autre éclairage. Ces images hétérogènes font partie de la matrice des Revenants. Je les collectais au fur et à mesure de l’écriture du scénario. Quelques unes ont laissé des traces très fortes dans le film. Le plan où l’on voit les morts affalés sur la vitre d’un bus vient d’une photo parue dans les journaux après la prise d’otages du théâtre de Moscou. Autre référence : pour les retrouvailles avec les revenants, j’avais en tête ces scènes où l’on a mis autour d’une table des familles divisées entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Je me souviens d’avoir vu ces images, elles étaient hallucinantes : il y avait des larmes, les gens se touchaient, comme on le fait dans un tableau de Greuze. Pour moi, c’était important que ces petits tableaux de Greuze surgissent dans le film à l’intérieur des tentes militaires du centre d’accueil.

Mes sources peuvent être de niveaux très différents. Je me suis, par exemple, posé la question des armes employées pour neutraliser les morts. Je me suis documenté sur ce que les forces civiles appellent pudiquement « armes non létales ». Je ne les ai pas obtenues, mais je voulais ces lance-grenades utilisés par les CRS, dont les objectifs, tels qu’ils sont littéralement décrits dans les documents officiels, sont de « supprimer l’utilisation d’armes de guerre pour les tirs de grenades lacrymogènes, en raison de l’effet médiatique produit par les armes de guerre. » Il s’agit en fait de créer des armes qui n’en ont pas l’air, des armes euphémisées en quelque sorte. Ces documents sont, en eux-mêmes, de petites fictions, de l’anticipation à très court terme. Quant au discours scientifique sur les morts, ce « savoir » produit à l’intérieur de la fiction, je me suis simplement documenté sur ce qui se dit sur les étrangers, ou sur telle ou telle catégorie de malades. J’ai travaillé par exemple à partir d’un texte sur les malades d’Alzheimer : une série de conseils sur la façon dont on doit se comporter avec « son » malade - comment retenir son attention, etc. J’ai utilisé tous ces discours quasiment tels quels, parce qu’ils me projettent davantage dans ma fiction qu’ils ne m’en éloignent.

Pourquoi, si vous assumez l’hétérogénéité des sources et l’ouverture de la fiction sur le monde, avoir circonscrit le film aux limites d’une petite ville ? Pourquoi avoir choisi une fiction municipale plutôt qu’une fiction planétaire ?

Je voulais que le film se passe dans une bulle : une sorte de « cosmos privé » pour reprendre la belle expression de Roger Bozzetto. J’avais envie de montrer un pouvoir politique « en réduction » avec à l’occasion des aberrations, quand, par exemple, les décisions prises dépassent de beaucoup les compétences d’une municipalité. Mais il y a autre chose. Il m’a semblé que si un tel événement avait lieu les gens se retrouveraient plongés dans une grande solitude, confrontés à des formes locales et immédiates de gestion : où mettre les morts, comment les accueillir, etc. ? Voyez ce qui s’est passé à Sangatte : il s’agit évidemment d’une question nationale. Mais Sangatte est une toute petite ville balnéaire. C’est un très petit environnement qui a besoin à un moment précis de réponses politiques. Plutôt que la mise en scène de la grande politique nationale ou internationale, celle des petites négociations locales : la politique à son degré ultime d’embarras.

Quand je préparais le film, on me disait souvent : « il va falloir faire en sorte que l’on croit au caractère mondial de ton histoire. » On m’avait proposé d’insérer des images de ce qui se passait aux États-Unis, ou ailleurs dans le monde : des stock shots, des éléments formellement hétérogènes. Mais cette impureté apparente me paraît au contraire très - trop - pure : des images télévisuelles insérées dans un film, on en a beaucoup vu, on sait très bien comment se positionner par rapport à elles. Ce qui m’intéressait au contraire, c’est que, sous une apparence d’unité formelle, une hétérogénéité affleure, et qu’il en résulte une espèce d’intranquillité.

Il s’agissait donc de produire des petits écarts, entre ce que je montre et des images familières : de les décaler les unes par les autres, de sorte qu’on ne sache plus très bien où on est. C’est le cas, par exemple, dans la scène où une chercheuse présente aux membres du Conseil municipal ses caméras thermiques, qui permettent de distinguer visuellement les morts et les vivants en raison de leur différence de température corporelle. On est dans une mairie, c’est une séquence aussi réaliste que possible. Et voilà que cette réunion se transforme en séance de spiritisme. Puisqu’on parle des sources, je sais très bien d’où cela me vient : non d’images documentaires ou d’actualités, mais de séances spirites chez Fritz Lang. Et voilà que la scène n’a plus exactement la réalité tangible d’un conseil municipal.

Votre film fait parfois preuve d’un hyperréalisme qui rend difficilement soutenables certaines scènes - précisément lorsqu’il s’agit de montrer ce que l’on ne s’autorise pas ordinairement à imaginer, et qui relève du fantasme : les retrouvailles avec un mort, le suicide d’un enfant, la descente au tombeau...

Oser montrer des choses pareilles ? Cela a peut-être à voir avec ce dont il était question au début de l’entretien : l’incidence énorme, sur moi, de l’épidémie de sida. Je me sens en droit de faire des choses qui soient à la mesure de la violence de ce que nous avons vécu à l’époque : cette condamnation muette qui fait que la réalité se dérobe, qu’on est paralysé, qu’on n’appartient plus à ce monde. Cela n’est pas sans rapport avec la façon dont nous nous sommes autorisé la violence à Act Up : c’était une violence toute symbolique, comme au cinéma d’ailleurs, mais c’en était une. Je me souviens de nos débats, à l’époque, sur ce que nous appelions les « enterrements politiques ». Nous avions en tête une histoire de 1848 : des manifestants avaient été tués, le peuple avait chargé les morts sur des charrettes et les avait traînés dans les rues - le lendemain de ce qui s’était alors intitulé la « promenade des cadavres », Paris était couvert de barricades. D’une certaine manière, j’ai sorti mes cadavres, j’ai mis mes morts à table, pour reprendre les vers d’Aragon (« C’étaient des temps déraisonnables / On avait mis les morts à table. »). Encore une fois, mon film n’est pas une métaphore, ni du sida, ni de rien d’autre : je ne parle que des sensations que j’ai pu éprouver, une sorte de politique dans le registre des sensations. Qu’est-ce que ça veut dire d’être mis à côté ? Et d’avoir l’impression qu’on ne peut rien partager ?

Cela dit, ce que je demandais parfois aux figurants était terrible : dire aux gens (notamment des personnes âgées) de faire les morts, de se mettre sur les tombes ; leur rappeler qu’il fallait qu’ils ouvrent bien la bouche. Il y avait quelque chose d’un peu obscène mais que je ne pouvais pas éviter si je voulais être honnête. Pareil pour le bébé : qui accepte que son bébé aille jouer le rôle d’un mort ? Il y avait sans doute une forme d’inconscience à demander des choses pareilles. Mais s’il n’y avait pas cela, il n’y avait pas de film. Et puis les gens ne sont pas fous : ils font confiance à la fiction.

Oser montrer des choses pareilles, c’est peut-être moins une question de morale que d’expérimentation. Jeanne Lapoirie, la directrice de la photographie, m’a souvent dit une chose qui m’a beaucoup troublé : « j’aime participer à des premiers films ou à des films d’écrivain. Parce qu’ils osent faire des choses qu’ils n’oseront plus faire après... » Pour éclairer les situations « inouïes » du film, elle et moi avons essayé d’avoir tout au long du tournage un « souci photographique ». Plus qu’à la peinture ou au cinéma, l’image du film se réfère à la photo - à un esprit photographique qu’il y avait peut-être au début du cinéma. Les spectateurs me disent souvent qu’il y a un côté documentaire dans l’image, alors qu’au contraire c’est plutôt très travaillé. Je crois que ce qu’ils veulent dire c’est qu’il y a dans le film une manière d’exposer crûment les situations. C’est moins l’aspect documentaire du film qui marque que simplement son évidence de document, ce sentiment d’exposition littérale des événements. Nous avons d’ailleurs éclairé les gens, même de jour, afin qu’ils n’aient plus tellement d’ombre, qu’ils paraissent plus réels, plus concrets que les vivants. À la sortie du cimetière, les gens avaient les projecteurs dans les yeux - le côté « revenants » était assez facile à obtenir (rires). Dans le même désir de rendre banales les situations les plus invraisemblables, j’ai tenu à ce que cette sortie du cimetière se déroule pendant le générique : dans l’indifférence du générique.

Le film commence et se termine dans une relative indétermination : il se peuple de morts puis, à la fin, se dépeuple plus qu’il ne se dénoue. Les quelques histoires singulières s’y forment lentement, sans se nouer véritablement en une intrigue. Pourquoi cette résistance, ou cet abandon ?

J’aurais pu proposer un truc malin sur les réunions des morts : un complot réel, une malveillance qui aurait abouti à une révélation finale. J’aurai pu trouver une manière de retomber sur mes pieds : une fin qui console, une explication, un massacre. Mais je ne voulais pas d’une fin qui console. Tout le suspense est attaché à quelque chose d’insaisissable, un mouvement contradictoire qu’exprime clairement le maire : « pourquoi sont-ils revenus si c’est pour repartir aussitôt ? » Je pense à cette phrase de Duras : « après votre départ, est survenue votre absence ». On vit encore un peu avec les morts, et puis ils s’en vont ; c’est tout. Ils n’ont pas d’autres secrets, pas d’autres projets. Ils résistent juste à notre mémoire, plus qu’ils n’y survivent d’ailleurs. Même si entre-temps s’arracher aux morts signifie beaucoup de violence, cette violence est une violence sans dégâts. À la fin, on sent bien d’ailleurs que personne n’a plus prise sur la réalité. Le sabotage des revenants ne menace pas grand monde : c’est un spectacle de son et lumière, un feu d’artifice, auquel les vivants répondent par un autre spectacle de son et lumière. Une espèce d’orage sensoriel avant un retour à la normale.

Une seule personne serait revenue, cela aurait été une histoire d’amour et de deuil. Je ne voulais pas raconter ce type d’histoire. Pas un seul revenant, mais une foule. Pas de massacre, mais un charnier. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer de la fosse commune. On crée des cimetières afin d’échapper à la fosse commune : on y individualise les morts, on les distingue, on conserve leurs coordonnées, parce qu’on espère qu’il y a de l’individualité dans la mort. La mort de quelqu’un est une expérience très intime, mais en même temps très collective, voire banale. Et cette banalité est cruelle, inacceptable.

J’avais donc envie - je n’y suis pas complètement parvenu - de faire une fiction à partir d’une foule. Au cinéma c’est assez rare : en général, on y parle au maximum d’un groupe. C’est pour cela que je tenais tant à commencer par les plans de sortie du cimetière. Il fallait qu’on se dise : « c’est informe », il n’y a pas d’individus. En même temps, l’assistante chargée de la figuration avait fait une sélection de visages particulièrement marquants, afin qu’au passage d’un travelling on en chope quelques uns, qu’on puisse lire sur ces visages inconnus un passé, une vie entière : que cette foule génère de l’individualité. Le cinémascope était d’ailleurs idéal pour faire cohabiter la dimension à la fois collective et individualiste du film : en scope, les plans larges peuvent paraître très larges et les gros plans encore plus intimes. Cela permet qu’à partir de la foule se tissent des histoires plus singulières : le maire avec sa femme, Isham et son enfant, et enfin Rachel et Mathieu. Leur histoire est celle qui se développe le plus tardivement dans le film. Et il faut encore du temps pour que l’on puisse parler véritablement d’une histoire d’amour. Leur histoire - et le film par la même occasion - bascule, selon moi, dans la scène où Mathieu, quasiment réduit à l’esclavage, travaille à sa machine et que surgissent dans sa tête des images de son passé. Au moment où il est le plus disqualifié, le plus déshumanisé, quelque chose se produit : un truc très conventionnel, un flash-back, un petit écart qui fait de lui un revenant particulier, de nouveau un individu. Il s’est souvenu des dernières heures de sa vie. Ce n’est rien, c’est à peine un secret ; mais il y a dans cette prise de conscience inattendue comme un espoir politique. Cela me touche, parce que j’ai l’impression que ce secret qui n’en est pas un, c’est exactement ce que Rachel veut entendre - et ce que moi aussi je veux entendre. Et c’est donc à la toute fin du film, comme à l’arraché, que les sentiments - presque le mélodrame - peuvent surgir et surnager au-dessus des turbulences des sensations.

La façon dont nous avons travaillé la musique rejoint cette question. Je voulais qu’on se dise au départ : c’est purement harmonique, il n’y a pas de mélodie, on ne sait pas où on en est. Et que de cet informe surgisse une mélodie. Martin Wheeler, le compositeur, travaille sur un temps paradoxal. Il sample une musique, orchestrale par exemple, et il en fait vibrer juste un petit moment - selon une technique qu’il a tenté plusieurs fois de m’expliquer (rires). C’est comme si on était dans un temps qui prolifère sans avancer pour autant. En même temps, cela part d’un orchestre : il y a une richesse à l’intérieur, de l’harmonique, un univers complet. C’est donc à la fois pauvre et riche. Mais, à partir de ce magma sonore, il fallait que surgisse une ligne mélodique plus conventionnelle. L’émotion devait provenir d’une lente métamorphose, comme si on passait du froid au chaud, de l’harmonique au mélodique, de l’informel à l’incarné.

Une paix paradoxale

Mon film doit beaucoup à une installation de Jeff Wall intitulée Eviction struggle. Sur un mur, il y a l’immense photo rétro-éclairée - qui évoque un plan large de cinéma - d’une rue calme dans un quartier résidentiel. L’image est très claire, très précise. On peut apprécier chaque détail de la rue, saisie un peu en plongée. À mieux y regarder, on remarque au centre de la photo, très net mais assez petit, un type qui en train de se faire arrêter par la police devant sa maison. De l’autre côté du mur où est affichée la photo, des petits moniteurs vidéo isolent les visages des personnages : l’homme qui se fait arrêter, les policiers, les passants plutôt indifférents ou interdits... Il y a un écart énorme entre la vision paisible du plan large et la violence sourde des gros plans, comme si le changement d’échelle produisait des impressions contradictoires. Trop près, trop loin en quelque sorte. Il y a un côté Gulliver dans cette oeuvre, un contraste vertigineux qui me trouble beaucoup.

Ce trouble renvoie à la façon dont je conçois l’émotion : Les Revenants est un film froid sur la douleur. L’émotion, ce n’est pas compter les larmes. Ce qui m’émeut dans un film, c’est que la douleur n’arrive pas trop vite : qu’on passe d’abord par une phase d’insensiblité. Rachel a tellement souffert à la disparition de Mathieu qu’elle est comme auto-anesthésiée, retirée de la vie. Comme on dit que le cerveau, face à une douleur physique trop forte, produit des substances désensibilisantes. Face à la souffrance, il y a donc une sorte d’inhumanité, de suspension de la subjectivité, qui ne fait en réalité que différer la douleur. Dans Muriel de Resnais, il y a aussi une catastrophe - la guerre d’Algérie, l’impensable de la torture à laquelle se sont livré des jeunes de l’époque. C’est une catastrophe très loin de là, mais qui menace, qui sourd, qui « pend » au-dessus de la petite famille. Tout se passe dans une province française, à Boulogne-sur-mer plus précisément, une ville reconstruite après la seconde guerre mondiale. Quand j’ai dessiné le plan imaginaire de la ville des Revenants, je pensais d’ailleurs aux architectures des villes reconstruites d’après-guerre, où tout semble avoir été conçu pour simplifier les mouvements, définir et clarifier les lieux, voire les institutions. Il y a presque un côté film d’anticipation dans ces villes, comme construites « pour la paix ».

Muriel, c’est donc la guerre d’Algérie saisie depuis la province - comme Les Parapluies de Cherbourg, d’ailleurs. Ces deux films sont le portrait de deux femmes, Delphine Seyrig dans Muriel et Anne Vernon (la mère) dans Les Parapluies : deux femmes plus très jeunes, mélancoliques qui sont passées à côté de leur vie. L’une vend des meubles qui envahissent d’ailleurs son appartement personnel, l’autre vit dans l’arrière-boutique de son magasin ; la première se lamente sur une histoire d’amour manquée et la seconde oblige sa fille à épouser un homme dont elle est elle-même amoureuse. Et pendant ce temps, il y a la guerre en Algérie. C’est très loin, et pourtant c’est là. L’héroïne de Resnais refuse de se confronter à cette réalité qui pourtant la touche de près : son neveu est revenu de la guerre d’Algérie, il a en lui cette douleur qui ne peut s’exprimer. Elle ensevelit l’événement sous le quotidien, la répétition. La provincialité comme manière de se retrancher de l’Histoire. D’où cette impression constante d’une paix paradoxale : tout est paisible, mais tout est prêt d’exploser. Si je me souviens bien, le premier plan de Muriel montre une bouilloire qui siffle.

Ce qui menace, dans le film, cette paix paradoxale, c’est la douce agitation des revenants, leur lenteur, leur errance : c’est autour d’elle que se noue la tension entre les deux communautés des morts et des vivants. Leur différence est traitée presque exclusivement à travers le mouvement, sauf à la fin, où revient brièvement l’image traditionnelle d’une foule menaçante. Le mal, c’est le rythme des autres ?

Cette question du rythme rejoint celle du quotidien. On dit souvent que, dans un couple, l’important c’est le partage. Je n’en suis pas si sûr. Dans un couple, l’important c’est d’arriver à une sorte de coïncidence. Il s’agit de se mettre en phase. Quelque chose de beaucoup plus mécanique - ce qui n’est pas forcément triste - qui relève plus de la discipline que de l’abandon de soi. L’une des références les plus fortes du film est le roman d’Adolfo Bioy Casares, L’Invention de Morel. L’histoire d’un type qui, après s’être évadé de prison, a fait naufrage. Sur l’île, il y a un groupe de gens en tenue de soirée, qu’il observe de loin. Il s’aperçoit progressivement que ces gens font les mêmes gestes, revivent les mêmes choses, dans un cycle d’une semaine qui se reproduit perpétuellement. Il comprend qu’un certain Morel est amoureux d’une jeune femme, Faustine, dont il tombe lui-même amoureux. Ce Morel a inventé une machine qui reproduit à l’infini une semaine de leur vie - la dernière. Ils sont enregistrés et la même séquence se répète donc infiniment. Le héros décide de se mettre en scène avec cette femme, comme s’ils étaient dans un commerce amoureux. Il s’insère dans l’enregistrement de Morel, fait semblant de répondre à des questions. Ce livre nous avait déjà inspiré, Laurent Cantet et moi, pour le scénario de L’Emploi du temps : l’histoire d’un type qui s’infiltre dans la vie sociale, dans le monde du travail, mais qui n’y est pas. Dans Les Revenants, c’est un peu le schéma inverse : Rachel fait des efforts pour vivre avec son mort. Or Mathieu réagit très peu. C’est donc à elle de se mettre à son rythme.

Dans le film, les gens tentent de revivre un quotidien avec leurs morts. Ils sont dans une situation de négociation difficile, parce qu’ils n’arrivent ni à s’en débarrasser, ni à les retenir : ils sont confrontés à une forme d’autonomie des morts. C’est là qu’on rencontre la question du travail. Pour réinsérer les morts dans la société, on commence par les remettre au travail. On connaît ce discours de la réinsertion par le travail. On a du mal à en sortir. Voyez le PS : il parle sans cesse de l’importance du temps libre, mais il en a un peu honte : parce qu’en même temps, dit-il, le travail, c’est essentiel. Mais alors que fait-on des vieux ? Est-ce qu’on en déduit qu’ils sont improductifs ? On parle souvent de biopolitique, mais il y a aussi une nécropolitique : la santé, c’est la possibilité de travailler, de produire. Dans l’épidémie de sida, il y a ainsi eu ce moment où sont arrivées les trithérapies : d’un coup, on a voulu remettre tout ce monde au travail, puisque les séropositifs étaient censés se porter beaucoup mieux. Et puis on s’est aperçu que les gens ne souhaitaient pas forcément reprendre leur emploi précédent. On faisait comme s’il y avait eu une simple parenthèse dans leur vie, mais on ne prenait pas en compte cette parenthèse et son prix. Les gens ont découvert un autre rythme, une autre manière de vivre, et parfois aussi une autre manière de produire.

Le rythme de mes revenants est sans doute leur plus lourd handicap aux yeux des vivants. Il faut admettre cette chose évidente : quand une infirmière s’occupe d’un malade d’Alzheimer, c’est à elle de se conformer au rythme du patient et non l’inverse. Même s’ils donnent l’illusion de se réinsérer parfaitement dans leur travail ou leur entourage, les revenants impriment leur lenteur au monde dès le début du film. De fait leur handicap est aussi la manière dont ils résistent au monde des vivants. C’est une résistance qui n’a pas de sens particulier, sinon qu’elle définit leur identité. J’avais en tête le Freaks de Tod Browning. Pendant la quasi-totalité du film, on nous montre des gens qui vivent comme vous et moi - ils ont des problèmes de couples ; ils ont beau ne pas avoir de bras, ils s’allument des cigarettes, etc. Les « normaux » du film, Vénus et Hercule, se moquent même de leur faculté à « singer » la normalité. Je ressens parfois très fort l’insertion ou la réinsertion comme une vaste blague, assez cruelle au fond. Une amie s’est occupée pendant près de deux ans de « réinsérer » des prostituées dans une usine de Castelnaudary. Non seulement les filles gagnaient moins d’argent dans leur nouvel emploi, mais en plus elles continuaient d’être considérées comme des putes par leurs collègues de travail. Les « monstres » de Freaks finissent par s’apercevoir qu’ils ne sont pas acceptés. De fait, ils décident de rejouer leur monstruosité pour se venger. C’est une subversion naturelle, un mécanisme politique assez courant : les gens jouent leur différence pour produire un effet politique. Quelque chose comme : « Puisqu’on est traités différemment, on va agir différemment ; ce qui vous effraie chez nous va vous faire vraiment peur maintenant. »

Dans le film, on voit bien qu’accueillir, c’est aussi limiter la liberté de mouvement. Martha (Catherine Samie), la femme du maire, est comme les autres, elle a envie de circuler. Sa famille la recueille, mais, dans sa façon de la protéger, il y a de l’enfermement. Et si l’hospitalité, c’était laisser arriver en maintenant ouverte la possibilité de partir ?

Il existe en Bretagne un lieu qui accueille des malades d’Alzheimer. Les médecins et infirmiers ont admis l’idée - et fait admettre aux familles et aux habitants du village - que les malades pouvaient sortir, aller se balader. Alors il faut parfois partir à leur recherche. C’est un risque, évidemment : d’abord pour les patients, mais ce n’est pas évident pour les proches d’accepter l’éventualité d’un accident. L’hospitalité, c’est d’abord l’idée qu’on accepte la mobilité, la disparition - qu’on renonce à la capture. On voit bien que ce qui pose problème, au fond, c’est qu’on ne parvient pas à capturer les gens qui errent. J’ai l’impression qu’on a du mal à sortir de l’alternative entre errance et réinsertion : comme s’il n’y avait rien entre avoir une place et ne pas en avoir.

À Sangatte, il était difficile de mettre en cause la bonne volonté de la Croix-Rouge ; mais il était difficile aussi de ne pas voir le décalage. Parce que ces gens n’étaient pas venus pour rester, ni pour s’insérer : juste pour passer en Angleterre - et pas nécessairement pour s’y « insérer » non plus, mais pour travailler, pour y gagner de l’argent. Ces gens n’ont pas leur place, mais c’est aussi que ce n’est pas cela qu’ils demandent. C’est là que le grand discours républicain de l’intégration trouve sa limite.

L’hospitalité commence par le fait d’accepter sa propre imposture. La personne qui est censée accueillir n’est jamais absolument légitime à la place qu’elle occupe. Parce que, justement, la mort passe par là, parce qu’on n’est pas de toute éternité sur son territoire. Il faut donc aussi accepter l’idée que l’hospitalité soit elle-même un déplacement, une métamorphose, une manière de créer de nouvelles activités, de nouvelles sociabilités. Mais il ne faut pas s’inquiéter car, qu’on le veuille ou non, c’est ce qui se passe en général dans notre société : l’hospitalité se produit malgré nous.

Dans L’Emploi du Temps, le drame de Vincent, c’était de soigner ce sentiment d’imposture par une illusion encore plus grande. Plutôt que d’essayer de chercher en vain une place absolument légitime dans le monde, il vaut mieux partir justement de cette imposture, de cet écart inévitable entre soi et son identité. En tout cas c’est comme ça que je me sens bien. J’ai plus de quarante ans ; faire à cet âge un premier film n’est pas évident. Mais c’est toujours mieux que de se dire : « je suis réalisateur ». En même temps, cela me fait rire lorsqu’on me demande ce que cela fait de réaliser un film quand on « est » monteur. Comme si « j’étais » monteur. À l’égard de la situation décrite dans le film, je ne suis jamais entièrement d’un côté ou de l’autre : ni tout à fait du côté des morts, ni tout à fait du côté des vivants - de ceux qui gèrent et tentent de réguler. Pendant longtemps je me suis senti proche de Rachel, notamment parce que Géraldine Pailhas avait l’air très embarrassée par le retour de son ancien amant, presque fâchée, et que je m’identifiais assez à cette gêne maussade. Aujourd’hui je pense que c’est Mathieu qui me ressemble le plus, avec son côté abruti et obstiné. Il y a une scène du film qui a beaucoup à voir avec ce qui m’arrive aujourd’hui, quand je rencontre des spectateurs, des critiques, des journalistes un peu déstabilisés par le film. Le patron de Mathieu, après avoir lu le rapport incompréhensible que ce dernier a rédigé, lui demande : « Quelle espèce de travail pensez-vous avoir produit là ? » (rires). Cette grande confusion qui règne dans sa tête, je m’en sens assez proche.